Africa-Press – Burundi. C’est le nom d’un groupe WhatsApp, actuellement sur toutes les lèvres des femmes mariées de Bujumbura. Un véritable phénomène avec plus de 4000 femmes membres. Son objectif : donner de la voix aux femmes pour discuter, échanger sur la meilleure façon de faire de leurs toits conjugaux un « havre de paix ». Les membres approchés saluent l’impact que cet espace a eu sur le développement et l’épanouissement dans leur vie de femme. Découverte.
« Se coltiner l’écran à regarder les films, non! Je ne voulais pas», raconte Mme Liliane Irimukunze, l’iniatrice de cet espace de de discussion. Alors résidente à Kigali où elle était confinée, suite à la pandémie de Covid-19. C’est à ce moment qu’une idée lui traverse l’esprit : partager avec ses amies les enseignements reçues de la sœur Immaculée. Chrétienne pratiquante, l’initiatrice dudit groupe WhatsApp est une fervente fidèle de la Famille Espérance (FAES). «Certes, je voyais qu’il y avait matière à discuter. Mais dans mon for intérieur, je ne cessais de me demander si cela sera attrayant pour les Burundaises. C’est ainsi que j’ai essayé de cadrer le contenu des discussions en l’adaptant à la culture burundaise ». Le 1er groupe est uniquement constitué de ses amies, proches parentés, anciennes camarades de classe, etc. Au fil des jours, elle va commencer à recevoir des demandes d’autres femmes pour adhérer à son groupe WhatsApp. Le début d’une aventure. Actuellement à son 11e groupe, c’est une communauté de plus de 4000 femmes qu’elle gère. Quid des discussions ? « C’est tout ce qui se rapporte à la vie du couple marié en général, les astuces qu’une femme est appelée à mettre en œuvre afin que la vie sous le toit conjugal soit le meilleur endroit possible ».
Une fois l’espace de discussion créé, elle indique qu’il restait de trouver une bonne manière de le réguler et de cadrer les discussions du forum, l’idée étant que tout le monde se confie à cœur ouvert. Elle fait savoir qu’au début, certaines membres ne s’accordaient pas sur la démarche à suivre pour garder l’anonymat de celle qui se confie et la confidentialité de ses doléances. « Faire tout en sorte que ce que tu endures ne soit pas déballé sur la place publique, c’était la grande question », se souvient -elle. Pour parer à tout ébruitement, après consensus, Mme Irimukunze indique qu’elles ont décidé d’un commun accord avec les membres de mettre en place des filtres : « Celle qui a besoin de se confier m’écrit dans ma boîte personnelle (Inbox). En fonction de la doléance, avant de la soumettre dans le groupe pour d’éventuels conseils, échanges, je me dois de trouver la bonne formule à utiliser afin que nul n’ait une idée de qui cela pourrait être.» Ainsi, explique Mme Irikumukunze, après échanges /débat entre paires, la membre peut revenir vers moi si elle est restée sur sa soif.
Libérer la parole
Bientôt trois ans que ce groupe WhatsApp existe. Ce qui était un espace pour blagues entre copines représente toutes les couches sociales des femmes burundaises. Avec 11 groupes WhatsApp créés sous le label « Foyer Heureux », son administratrice principale projette de créer un 12e. « Mais, je pense qu’il sera le dernier parce que la régulation du fil des commentaires devient difficile », glisse-t-elle. Pour intégrer le groupe, il suffit d’introduire la demande auprès des administratrices, surtout être une femme légalement mariée. « Les veuves, les femmes divorcées, idem pour les filles en âge de se marier ne sont pas acceptées. » Mme Irimukunze explique qu’il n’y a rien de discriminatoire : « La raison c’est qu’il y a certaines thématiques, comme celles liées à la sexualité, qui les inciteraient à la débauche. En outre, dans la communauté Famille Espérance, il y a des enseignements qui leur sont destinés.»
L’essentiel des enseignements partagés étant centrés sur quelques chapitres de Fascinating womanhood (féminité fascinante), un livre qui parle du comportement de la femme, de sa façon d’être pour la bonne marche de son foyer familial. Et ce, sur tous les plans de la vie conjugale.
L’initiatrice du groupe explique que contrairement à ce que pensent certaines féministes, l’objectif de « Foyer Heureux » n’est pas d’apprendre aux femmes comment manipuler leurs maris. « L’approche consiste à se connaître d’abord en tant que femme, à comprendre ta féminité, les valeurs, l’image que tu te dois d’incarner, comment remplir tes responsabilités en tant que femme, etc. Sans oublier toutes ces astuces afin de ne pas tomber dans le carcan quotidien d’une femme qui ne fait plus rien pour plaire à son mari».
Ainsi de par différents témoignages, la plupart des gens qui se marient possèdent une idée préconçue de ce que sera leur ménage alors qu’il se construit au jour au jour. « C’est cela que l’on essaie de déconstruire, car, avec l’expérience, nous avons vu que certains couples implosent suite à l’ignorance des femmes ». En témoignent certaines préférant se murer dans le silence, en boudant leurs maris sous prétexte qu’ils rentrent tard ou ivres.
Des témoignages éloquents
En tête des listes des sujets de discussion : l’infidélité et les maris qui ne s’acquittent pas de leurs responsabilités comme il se doit.
Certaines femmes approchées ne tarissent pas d’éloges sur cet espace de discussion. La trentaine S.D. est une de celles -là. Outre qu’il a contribué grandement à sauver son mariage, c’est un cadre qui lui a permis d’ouvrir les yeux.
Avec un mari très nocturne, cette jeune femme confie avoir commencé à soupçonner son mari d’entretenir une maîtresse. Quand elle lui demandait où il pouvait être à 1h du matin de lundi à vendredi, son mari piquait une crise de colère. C’était devenu un rituel, avant qu’elle ne découvre la cause. « Un jour, je suis tombée sur une discussion dans le groupe concernant la préparation d’un plat. Le week-end qui suit, je me suis dit pourquoi pas ne pas le faire à la maison ». Peu tentée par l’idée de cuisiner, elle se rappelle que son mari l’a regardée étonné. « Il n’en revenait pas, car, en 3 ans de mariage, il ne m’avait jamais vu prendre de telles initiatives », confesse-t-elle, avant de poursuivre : « Ce jour-là après le dîner, dans ses yeux, j’ai vu transparaître une admiration que je n’avais vu que lorsqu’il me faisait encore la cour. Tellement émerveillée, je lui ai demandé s’il avait aimé. » Elle se souvient, tout sourire, qu’il n’a pas arrêté de hocher la tête. En l’enlaçant, il lui a glissé : « Si tu le fais souvent, je ne quitterai plus la maison. » Une parole tenue. S.D. témoigne que quelques jours après, son mari lui a avoué qu’il ne supportait plus la cuisine de la maison, il préférait aller manger dehors.
A l’instar de L.G., elles sont plusieurs à témoigner que l’espace de discussion les a fait grandir, permis de s’améliorer. « Le problème avec certaines, c’est qu’elles prennent pour acquis le fait de se marier, et commencent à se négliger. Une fausse idée», prévient H.M, membre du groupe, qui enchaîne : « La plus-value avec le groupe, c’est que tu peux dire tout haut sans que tu sois la risée de quiconque ». Pour elle, c’est une bonne chose parce que cela nous permet de nous ouvrir, d’avoir la parole libérée avec cette certitude que tu as le soutien de tes paires.»
Preuve du succès toujours grandissant de cet espace dans le cœur des femmes de Bujumbura, Mme Irimukunze confie que, désormais, ce sont leurs maris qui la contactent pour introduire leur demande d’adhésion. « Une chose inhabituelle pour nous, car, en intégrant le groupe, il y a cette consigne de ne rien dire à son mari», conclura-t-elle.
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