Vivre avec moins de 400 mille Fbu par mois : un magistrat burundais se raconte…

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Vivre avec moins de 400 mille Fbu par mois : un magistrat burundais se raconte…
Vivre avec moins de 400 mille Fbu par mois : un magistrat burundais se raconte…

Africa-Press – Burundi. Depuis longtemps, le respectable corps judiciaire fait rêver les jeunes universitaires. Cependant, les magistrats tirent le diable par la queue. Corneille*, magistrat avec 10 ans d’expérience, raconte ses gymnastiques pour boucler les deux bouts du mois avec un salaire de 387000 Fbu.

Nous rencontrons Corneille* le soir du 1er mai. Il semble épuisé, sans doute sa participation au défilé de la journée des travailleurs, y est pour quelque chose. A moins que ce ne soit autre chose ? « C’est la vie en général », soupire le magistrat d’instruction. Et de demander : « Vous ne le seriez pas vous, si au 5 de chaque mois, vous vous retrouviez les poches vides, à quémander un découvert dans votre banque et des prêts dans des tontines ? » Ne sachant quoi répondre, nous acquiesçons en signe d’empathie.

Cela fait 10 ans que Corneille est magistrat. Un métier qui jadis le faisait rêver. « Je rêvais de ce métier depuis l’école secondaire », confie-t-il, la mine triste. Il a déposé sa candidature pour intégrer le corps judiciaire en 2013. Il pensait qu’en devenant magistrat, il pourrait assurer son indépendance financière. « A cette époque, la rémunération était de 340 mille Fbu par mois », se remémore-t-il. En dix ans, son salaire n’a augmenté que de 47 mille Fbu.

Aujourd’hui, avec une rémunération dérisoire de 387000 Fbu, le rêve est devenu un cauchemar pour cet homme de 38 ans. Son grand souci est de pouvoir boucler les fins de mois : « Je débourse 230 mille Fbu par mois pour rembourser le prêt contracté en 2019, 425 mille Fbu pour nourrir ma famille. Vous voyez que ces consommations dépassent de loin mon salaire, sans compter le transport, la communication et d’autres charges indispensables… », explique-t-il. Pour combler ce fossé, son épouse y met tout son salaire d’environ 370 mille Fbu, mais le gap reste toujours béat.

Les tontines, seule voie de secoursPour le moment, il n’est pas difficile de constater le calvaire financier auxquels fait face Corneille. « A partir du 5 de chaque mois, je suis dans le rouge. », confie ce juriste. Même un niveau de vie minimal est difficile à maintenir, avec cette inflation que connait le Burundi, reconnait-il.

Pour assurer ses dépenses, Corneille compte sur sa banque et les tontines. Et il attend la fin du mois pour éponger un tant soit peu le découvert avec le versement des salaires.

Après 7 ans, Corneille a constaté que le loyer lui coûtait trop cher. Pour fuir, cette dépense qui ne cessait d’augmenter, il a contracté un prêt pour construire une maison. « En 2019, j’ai pris un prêt de 12 millions Fbu remboursable sur 10 ans » admet-il, avec un sourire gêné.

Cependant, ce prêt logement, plutôt que de lui rendre la vie plus douce, il a ajouté du drame au drame. Chaque mois, il rembourse 230 mille Fbu. Au total, ce magistrat remboursera plus 27 millions Fbu.

La corruption, une question gênanteQuand le sujet de la corruption des fonctionnaires du ministère de la justice qui cherchent à arrondir leurs fins de mois est abordé, Corneille s’en défend. « Jamais, c’est contre mes valeurs ! », jure-t-il, la main sur le coeur. Pour lui, la corruption c’est du vol. « Même si je n’ai pas d’argent, je ne vole pas », insiste-t-il.

Qu’en est-il pour les autres magistrats ? Difficile pour Corneille de répondre, après quelques secondes de silence, il finit par lâcher : « Dans chaque travail, il y a des non-dits et la corruption, c’est punissable par la loi ».

Corneille dit souffrir de cette image du fonctionnaire qui encaisse beaucoup d’argent grâce à la corruption. « Même ceux qui ont recours à la corruption ne vivent pas forcément une vie décente ». Et d’ajouter en guise de justification : « Il faut comprendre ceux qui s’adonnent à la corruption, ils instruisent des contentieux estimés à plusieurs millions alors qu’ils peinent à payer un ticket de transport en commun.».

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