Africa-Press – CentrAfricaine. Dans cette localité centrafricaine de l’Ombella-Mpoko, Zawa, les forces de l’ordre extorquent les citoyens venus demander leurs papiers d’identité.
En effet, dans la localité de Zawa, à 245 kilomètres de Bangui, obtenir une carte d’identité nationale relève du parcours du combattant financier. Ce qui devrait constituer un service public gratuit s’est mué en une opération d’extorsion massive menée par des policiers en poste.
L’histoire débute par les violences répétées aux barrières routières de Zawa et des villages environnants. Ainsi, les habitants de Zawa comme d’autres villages voisins subissent des contrôles incessants où l’absence de carte d’identité se solde par des paiements de formalités pathétiques de 5 000 à 10 000 francs CFA, sans reçu ni justification légale. Femmes enceintes, personnes âgées, commerçants et jeunes étudiants paient le même tribut. Les récalcitrants s’exposent à des violences physiques publiques sous le regard impassible d’autres agents.
Face à cette situation, le député de ladite circonscription électorale négocie avec la société libanaise Almadina, chargée de produire les cartes d’identité, pour qu’un représentant se déplace à Zawa. L’objectif affiché consiste à permettre aux habitants d’obtenir enfin leurs documents et d’échapper aux tracasseries policières.
La réalité sur le terrain diffère totalement des intentions initiales. Un représentant d’Almadina et deux policiers sont envoyés à Zawa pour collecter toutes les demandes de la population. Ainsi, une fois arrivée à Zawa, la délégation s’est installée dans une école locale. Un seul représentant d’Almadina s’installe dans une salle d’école, accompagné de deux policiers: Emmanuel et un certain Brigadier. Ces derniers annoncent d’emblée leur intention de “faire de l’argent” grâce à cette mission.
Une fois installés, le processus commence à fonctionner selon un schéma bien établi. Les citoyens qui souhaitent les cartes nationales d’identité déposent leur dossier dans une chemise cartonnée contenant les documents requis, notamment le certificat de nationalité, l’acte de naissance. Dans cette même chemise, tous les demandeurs, s’ils souhaitent, glissent discrètement un pot-de-vin variant entre 2 000 et 5 000 francs CFA selon leurs moyens. Les policiers trient ensuite les dossiers en fonction des sommes déposée dans la demande. Les montants élevés garantissent un traitement immédiat: appel du demandeur, prise d’empreintes digitales et orientation vers le représentant d’Almadina. Les sommes dérisoires ou absentes condamnent les dossiers à l’attente, parfois pendant des semaines ou de mois.
Le représentant d’Almadina, quant à lui, se contente de percevoir les 6 000 francs CFA de frais officiels, prend la photo réglementaire et délivre un reçu. Il reste étranger au système de corruption mis en place par les policiers.
Cette extorsion prend une dimension discriminatoire particulièrement inquiétante. Les musulmans, désireux d’accélérer le traitement de leur dossier, déposent souvent 10 000 à 20 000 francs CFA dans leur chemise. Mais lorsque les policiers identifient un nom à consonance musulmane ou peul, ils exigent parfois des sommes supplémentaires allant de 100 000 à 150 000 francs CFA. En cas de refus, ils fabriquent un motif d’accusation, comme l’incapacité à parler couramment le sango, pour qualifier le demandeur d’étranger. Le commissaire est appelé, il intervient alors, et les demandeurs risquent l’expulsion ou l’arrestation, perdant du même coup l’argent initialement versé.
Ce système d’extorsion à Zawa s’inscrit dans un contexte plus large de corruption généralisée en République centrafricaine. Sous la présidence de Faustin-Archange Touadéra, les barrières routières génèrent des millions de francs CFA mensuels qui enrichissent non seulement les agents de terrain, mais également leurs supérieurs hiérarchiques. Les généraux, complices de ce système, bloquent toute tentative de réforme, maintenant la population dans une précarité quotidienne.
Le député de Zawa, en tentant d’apporter une solution à ses administrés, s’est heurté à un mur de corruption institutionnalisée. La République centrafricaine semble avoir atteint un point où la corruption constitue, selon les termes d’un observateur centrafricain, “la première médaille” du Président Faustin Archange Touadera. Les instances internationales, souvent mal informées, sous-estiment l’ampleur du phénomène, mais la RCA figure désormais parmi les pays les plus corrompus au monde.
Pour le futur successeur de Touadéra, la tâche s’annonce colossale. Démanteler un système où l’extorsion et le détournement se sont enracinés dans l’administration exigera une volonté politique exceptionnelle et des réformes profondes. En attendant, les habitants de Zawa, comme ceux de nombreuses autres localités, continuent de subir les abus d’un système qui, loin de les protéger, les exploite sans retenue….
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press