Bactéries Anciennes Découvertes Dans Restes de Mammouths

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Bactéries Anciennes Découvertes Dans Restes de Mammouths
Bactéries Anciennes Découvertes Dans Restes de Mammouths

Africa-Press – Côte d’Ivoire. « Imaginez tenir une dent de mammouth vieille d’un million d’années. Elle conserve encore des fragments des microbes qui coexistaient avec lui », raconte Benjamin Guinet, postdoctorant au Center for Palaeogenetics, en Suède. C’est exactement ce qui lui est arrivé au cours de vastes investigations menées en collaboration avec des scientifiques internationaux. Pour leur étude, ces derniers ont recherché de l’ADN microbien dans les restes de 483 mammouths, dont 440 séquencés pour la première fois. Les résultats, publiés dans la revue Cell, révèlent l’existence de plusieurs lignées bactériennes hôtes, certaines connues aujourd’hui pour provoquer des infections chez les éléphants.

Des microbes chez les mammouths

Parmi les bactéries identifiées, certaines sont proches de pathogènes responsables d’épidémies chez les éléphants africains actuels. « Bien que la majorité de nos résultats concernent des bactéries commensales, naturellement présentes dans l’organisme sans provoquer systématiquement de maladie, nous avons effectivement identifié chez certains mammouths des bactéries proches de pathogènes connus aujourd’hui », précise Benjamin Guinet. Il s’agit de souches apparentées à une bactérie voisine de Pasteurella multocida, impliquée dans la mort d’éléphants d’Afrique au Zimbabwe, en 2020, par septicémie.

Malgré tout, le chercheur nuance: « Il est impossible d’affirmer avec certitude que ces bactéries étaient pathogènes pour les mammouths ou qu’elles aient provoqué leur mort. Pour conclure au caractère pathogène d’une bactérie, il faudrait disposer de preuves directes, comme des lésions histologiques dans les tissus fossiles, la présence du germe au sein de ces lésions, et idéalement des éléments montrant une association claire entre infection et mortalité ».

Le plus vieil ADN microbien hôte jamais séquencé

La découverte la plus frappante concerne un génome partiel d’Erysipelothrix extrait d’un mammouth des steppes (Mammuthus trogontherii) daté de 1,1 million d’années. « Avec les méthodes actuelles, il est extrêmement difficile d’obtenir des génomes bactériens complets pour des périodes aussi lointaines, car l’ADN se fragmente et se modifie chimiquement, rendant certaines régions inaccessibles et probablement perdues à jamais », reconnaît Benjamin Guinet. Mais cette séquence, aussi incomplète soit-elle, constitue la preuve la plus ancienne d’un ADN microbien directement associé à un hôte.

Les investigations de ce type ne font que commencer. Les scientifiques espèrent pouvoir améliorer la qualité et la longueur des séquences obtenues et peut-être même remonter encore plus loin dans le temps. Ainsi, les dents se sont révélées des réservoirs privilégiés d’ADN microbien. « Le tartre se distingue comme étant particulièrement riche en ADN microbien fossile », souligne Benjamin Guinet. « Des études ont montré que le tartre fossile peut contenir jusqu’à 25 fois plus d’ADN que les os ou les dents. Nous savons que les éléphants possèdent du tartre, il sera donc intéressant dans le futur de vérifier si ce tartre est toujours attaché aux dents de nos échantillons de mammouths ».

Le temps de la paléomicrobiologie

Au-delà de l’identification de ces microbes, l’équipe envisage déjà de nouvelles recherches. « Ce travail illustre le potentiel de l’étude de l’ADN ancien pour mieux comprendre les interactions entre les microbes et les grands mammifères disparus », poursuit le biologiste. « Nous travaillons actuellement sur la détection de virus potentiels chez les mammouths, notamment des herpèsvirus proches de ceux qui infectent régulièrement les éléphants d’Asie juvéniles. Personne ne sait aujourd’hui si ces virus étaient aussi présents chez les mammouths ou s’il s’agit de virus spécifiques aux éléphants ».

L’ambition de ces travaux est de mieux comprendre le rôle des microbes dans l’adaptation, la santé et peut-être même l’extinction des grandes faunes du Pléistocène. Mammouths, rhinocéros laineux ou lions des cavernes subissaient-ils des épidémies d’ampleur? Les pathogènes qui les affectaient ont-ils contribué à leur extinction? Cette étude ouvre la voie à une véritable paléomicrobiologie qui pourrait éclairer le rôle des microbes du passé et leurs interactions avec les espèces disparues.

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