Africa-Press – Côte d’Ivoire. Nous pourrons peut-être bientôt soulager la douleur de façon ciblée selon la zone du corps en souffrance grâce à l’effet placebo juste en stimulant finement notre cerveau. Car à sa base, dans notre tronc cérébral, de minuscules zones ont justement cette capacité analgésique sélective, décrit une nouvelle étude publiée dans Science.
Sur les joues, les avant-bras ou les mollets, 93 personnes reçoivent des stimuli modérément douloureux. Juste avant, les chercheurs leur ont appliqué soit de la vaseline, soit une crème antidouleur… Ou du moins est-ce ce qu’ils croient ! En réalité, les deux crèmes, bien que d’apparence différente, sont de la vaseline. Pourtant, les cerveaux de la moitié des participants s’activent différemment lorsqu’ils pensent avoir reçu la crème analgésique. C’est justement ce que recherchent les scientifiques: observer l’effet placebo en action.
Un circuit de la douleur de quelques millimètres cubes
C’est dans le tronc cérébral que tout se joue, dans une zone de 10 à 12 millimètres de longueur sur 3 de diamètre, nommée substance grise périaqueducale (ou SGPA), qui elle-même communique avec une autre juste en dessous appelée la moelle allongée. « La voie qui relie cortex – SGPA – moelle allongée – moelle épinière ou noyau spinal du trijumeau est considérée comme la principale voie descendante par laquelle les humains peuvent directement moduler la douleur », explique auprès de Sciences et Avenir le premier auteur Lewis Crawford, neuroscientifique à l’Université de Sydney (Australie).
Sous l’influence de petites protéines – des peptides – produits par la SGPA, des cellules spécialisées de la moelle allongée inhibent ou amplifient le signal de douleur en aval. Un circuit dont on ne soupçonnait pas qu’il pouvait agir de façon localisée, sur une partie du corps en particulier. « Nous montrons que ce circuit bien connu contient une carte approximative du corps permettant de provoquer une analgésie spécifique à une région donnée », affirme Lewis Crawford.
Une « carte » de l’effet placebo selon l’origine de la douleur
Et en effet, au sein de la moelle allongée et de la SGPA, les chercheurs constatent que les effets placebo générés lorsque la douleur était appliquée au visage, aux bras ou aux jambes activaient trois différentes sections. « La zone liée au visage est espacée d’environ 2 mm de celles des bras et jambes, elles-mêmes espacées de 0,5 à 1,0 mm », précise Lewis Crawford. Des sous-unités cérébrales si petites que leur étude a nécessité du matériel de pointe, à savoir une IRM fonctionnelle créant un champ magnétique de 7 teslas, permettant de faire passer la résolution de 8 (avec une IRMf 3 Tesla) à 1,2 millimètre cube.
Sur le plan de l’évolution, le traitement localisé du signal douloureux en fonction du membre touché a un sens. Elle permet d’une part de baisser la douleur pour optimiser la réaction de l’organisme face à une menace, et d’autre part de produire des comportements différents en fonction de la localisation de la douleur. « La douleur au visage provient généralement d’un prédateur situé devant l’animal et provoque instinctivement un comportement de combat. La douleur corporelle, quant à elle, provient généralement de l’arrière et provoque une réaction de fuite », explique Lewis Crawford. C’est la fameuse réponse combat-fuite (« fight or flight » en anglais) induite en cas de stress. « La douleur corporelle active la partie caudale (arrière, ndlr) de la SGPA et que la stimulation de cette dernière provoque des réactions de fuite. À l’inverse, la douleur au visage active la partie rostrale (avant, ndlr) de la SGPA et la stimulation de cette dernière provoque des comportements de combat. »
Mieux, ces minuscules zones qui soulagent la douleur de façon ciblée au sein de la SGPA agissent habituellement sur la moelle allongée – et donc sur la douleur – au moyen de peptides non-opioïdes. « Je pense que ce qui nous enthousiasme tant dans ce travail, c’est que l’activité de la SGPA que nous observons n’est généralement pas associée à la signalisation par des opioïdes, ce qui suggère que le type d’analgésie placebo que nous déclenchons n’est pas médiée par eux, ne produit pas d’effets systémiques (sur tout le corps, ndlr) sur la douleur perçue et est très spécifique au site corporel et, par extension, à la douleur perçue », résume Lewis Crawford. C’est plutôt le système cannabinoïde, à l’action plus localisée, qui serait impliqué.
Jouer sur l’effet placebo pour soulager la douleur chronique
Ces travaux peuvent avoir des implications importantes pour le traitement des douleurs chroniques, en stimulant directement la bonne zone cérébrale pour provoquer un effet placebo localisé. « Il existe par exemple de nouvelles techniques telles que les ultrasons focalisés qui peuvent stimuler le cerveau avec une résolution de quelques millimètres », développe Lewis Crawford. « Si nous parvenons à déterminer quelle partie du cortex cérébral est projetée vers la partie rostrale ou caudale du SGPA, nous serons alors en mesure de stimuler spécifiquement un circuit analgésique du visage ou du corps. Cela pourrait révolutionner le traitement personnalisé de la douleur chronique. »
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