Pourquoi Trump A-T-Il Attaqué le Nigeria?

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Pourquoi Trump A-T-Il Attaqué le Nigeria?
Pourquoi Trump A-T-Il Attaqué le Nigeria?

CE Qu’Il Faut Savoir

Les frappes militaires américaines au Nigeria, ordonnées par Trump, visent l’organisation État islamique (Daech) dans le nord-ouest. Cette action a suscité des débats sur la persécution des chrétiens et les motivations politiques derrière l’intervention. Le gouvernement nigérian rejette les accusations de génocide et souligne la complexité du conflit.

Africa. Des journaux internationaux ont passé en revue les détails des frappes militaires américaines visant l’organisation État islamique (Daech) dans le nord-ouest du Nigeria, ainsi que la réalité du lien entre l’attaque et le dossier des persécutions contre les chrétiens.

Ces frappes sont intervenues après des semaines de menaces du président américain Donald Trump envers le gouvernement nigérian, l’avertissant qu’il prendrait une action militaire directe si ce qu’il a qualifié de « meurtre de chrétiens » par des groupes islamistes armés ne cessait pas.

Trump a écrit sur sa plateforme Truth Social: « Les États-Unis ont porté un coup puissant et meurtrier contre la racaille des terroristes de Daech dans le nord-ouest du Nigeria, qui ont pris pour cible et tué des chrétiens innocents à des niveaux que nous n’avions pas vus depuis de très nombreuses années, voire des siècles ! »

En revanche, la position officielle nigériane affirme que le conflit — qui a fait des victimes parmi les chrétiens comme parmi les musulmans — est mené par plusieurs groupes armés aux motivations diverses, et que le réduire à un simple cadre de « persécution religieuse » d’un camp particulier revient à mal comprendre la crise.

1- Quels sont les détails de la frappe?

Une source militaire a révélé au New York Times que la frappe a été menée depuis un navire de la marine américaine dans le golfe de Guinée, qui a tiré plus de 12 missiles de croisière « Tomahawk », touchant deux camps d’entraînement de Daech dans l’État de Sokoto, dans le nord-ouest du Nigeria.

Le responsable militaire — s’exprimant sous couvert d’anonymat — a ajouté que l’opération avait été coordonnée avec l’armée nigériane.

Sokoto se situe à la frontière du pays avec le Niger. Une branche de Daech y opère, connue sous le nom de « Daech – branche du Sahel » ou « Lakurawa », et elle attaque aussi bien les forces gouvernementales que les civils, selon le New York Times citant l’analyste en lutte antiterroriste Caleb Weiss.

L’évaluation initiale du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) a conclu à la mort de « nombreux terroristes de Daech », selon le New York Times.

Selon le Washington Post, les groupes armés au Nigeria comprennent deux factions liées à Daech, à savoir:

– la faction dite « Daech – branche du Sahel » ou « Lakurawa », basée dans le nord-ouest du pays ;

– la faction « État islamique en Afrique de l’Ouest », issue d’une scission de Boko Haram, active dans le nord-est du pays.

Le journal américain a rapporté, citant des analystes de sécurité, que la branche visée était très probablement « Lakurawa », devenue plus active après le coup d’État militaire au Niger en 2023.

2- Pourquoi Trump a-t-il attaqué le Nigeria?

Le quotidien britannique The Guardian a attiré l’attention sur la dimension politique des frappes, affirmant que le ciblage du Nigeria s’inscrit dans un discours de plus en plus prononcé au sein de la droite américaine, qui promeut depuis des années l’idée que les chrétiens seraient victimes d’une persécution systématique au Nigeria.

Ce discours a été renforcé par des responsables républicains, dont le sénateur Ted Cruz, qui ont appelé à prendre des mesures contre des responsables nigérians en raison d’une « complaisance envers la violence contre les chrétiens ».

Les autorités nigérianes ont rejeté les accusations de Washington faisant état d’un génocide visant les chrétiens.

Le journal a également indiqué que le dossier de la « persécution des chrétiens » constitue un outil important pour mobiliser la base de Trump, notamment les évangéliques, ce qui a contribué à accroître la pression sur l’administration afin qu’elle prenne des mesures militaires.

Alors que le commandant d’AFRICOM, le général Dagvin Anderson, a déclaré que l’objectif de la frappe était « d’attaquer les organisations extrémistes », le site américain The Intercept a insisté sur la nécessité de la prudence et sur l’évaluation de l’impact des frappes sur les civils, au regard du long historique de Washington en matière de morts civiles lors d’opérations militaires similaires.

Le site a souligné que l’armée américaine s’était abstenue de fournir des détails sur le nombre de civils ou de combattants tués lors de la frappe, invoquant la nécessité de « préserver la sécurité opérationnelle ».

Dans le même contexte, le rapport a rappelé des incidents antérieurs au cours desquels des civils ont été tués lors de frappes aériennes nigérianes menées avec un soutien américain, dont le bombardement d’un camp de déplacés en 2017, qui a fait plus de 160 morts civils, parmi lesquels des enfants.

3- Quelle a été la réaction du Nigeria?

Les autorités nigérianes ont rejeté les accusations de Washington concernant un génocide visant les chrétiens, soulignant que le réseau de groupes armés violents, aux motivations diverses et répartis sur l’ensemble du pays, tue des nombres similaires de musulmans et de chrétiens, selon The Guardian.

Le président nigérian Bola Ahmed Tinubu a affirmé que le Nigeria est un État démocratique régi par des garanties constitutionnelles qui assurent la liberté de religion.

Il a ajouté que présenter le Nigeria comme un pays « religieusement intolérant » ne reflète pas sa réalité, évoquant les efforts du gouvernement pour protéger tous les Nigérians, quelles que soient leurs appartenances, selon le rapport du quotidien britannique.

Le ministère nigérian des Affaires étrangères a exprimé sa volonté de coopérer avec les États-Unis et a déclaré: « Nous confirmons que nous restons engagés avec les États-Unis dans une coopération sécuritaire structurée. »

4- À quoi ressemble la carte du conflit?

Les analyses de la presse indiquent que la violence au Nigeria n’est pas seulement un conflit religieux: elle implique aussi des groupes armés extrémistes aux objectifs variés, ainsi que des luttes autour de ressources essentielles, alimentées par la pauvreté et la fragilité de l’économie.

Dans l’État de Sokoto — où les frappes ont été menées — la violence est attisée par des hommes armés et des gangs criminels actifs dans les enlèvements contre rançon, qui nuisent aux communautés musulmanes et chrétiennes sans distinction, selon The Guardian.

Le Nigeria connaît une insurrection armée continue depuis plus d’une décennie, concentrée dans le nord-est du pays, où des groupes tels que Boko Haram et « l’État islamique en Afrique de l’Ouest » ont tué des dizaines de milliers de civils musulmans et chrétiens au cours de la dernière décennie, selon un autre rapport du New York Times.

Bien que le Nigeria ne soit pas officiellement en état de guerre, le nombre de morts y dépasse celui des victimes dans la plupart des pays en proie à des conflits armés.

D’après ce qu’a rapporté le New York Times en citant le « Armed Conflict Location & Event Data Project » (ACLED), les groupes armés au Nigeria ont tué plus de 12 000 personnes cette année seulement.

Le New York Times a indiqué que des responsables militaires américains avaient exprimé des doutes — lors de la préparation du plan d’attaque au mois de novembre dernier — quant à l’efficacité de la frappe, compte tenu de la nature profondément enracinée du conflit dans la région.

5- Les chrétiens sont-ils vraiment visés?

The Guardian a indiqué que le Nigeria est officiellement un État laïc, partagé entre musulmans (53 %) et chrétiens (45 %), tandis que le reste de la population adhère à des croyances locales.

Le centre du Nigeria connaît — selon The Guardian — des affrontements sanglants et récurrents entre des éleveurs musulmans, notamment les Peuls (Fulani), et des agriculteurs chrétiens, dans un conflit nourri par la rareté des ressources et l’augmentation massive de la population ces dernières années.

Selon le journal, la violence est souvent motivée par des intérêts économiques et sociaux. Cela apparaît notamment dans le fait que les conflits entre éleveurs et agriculteurs portent généralement sur la terre et l’eau, et que les enlèvements de religieux — que certains ont pris comme preuve de la persécution des chrétiens — sont le plus souvent commis pour obtenir une rançon.

Des observateurs ont exprimé leur inquiétude quant au fait que les frappes puissent attiser les tensions religieuses dans le pays le plus peuplé d’Afrique, qui a déjà connu par le passé des vagues de violences confessionnelles, d’autant que l’administration américaine n’a pas présenté de preuves étayant ses affirmations sur un ciblage systématique des chrétiens.

6- Quelle a été la réaction des Nigérians?

Le site Business Insider Africa a ajouté que la frappe a suscité de vives réactions au Nigeria, révélant une division nette quant au rôle de l’intervention militaire étrangère et à ses répercussions sur la souveraineté nationale.

Le cheikh nigérian influent Ahmad Gumi a appelé, via sa page Facebook, le gouvernement nigérian à mettre fin à toutes les formes de coopération militaire avec les États-Unis.

Il a averti que l’intervention américaine pourrait compliquer la crise sécuritaire plutôt que la résoudre, affirmant que « les terroristes ne combattent pas les terroristes » et que ce type d’opérations entraîne souvent des victimes civiles et dissimule des agendas politiques.

Des militants et défenseurs des droits humains nigérians ont mis en garde contre la présentation de l’opération comme une intervention humanitaire, soulignant que la violence dans le pays touche aussi bien les musulmans que les chrétiens.

Sur les réseaux sociaux, les opinions se sont fortement polarisées, selon le site. Aux États-Unis, certains commentateurs favorables à Trump ont salué la frappe et l’ont considérée comme le respect de son engagement à protéger les chrétiens.

Dans le nord du Nigeria, certains commentateurs ont également défendu la frappe, estimant que viser Daech ne constituait pas une attaque contre l’islam, mais visait plutôt des groupes ayant aussi tué un grand nombre de musulmans.

À l’inverse, des militants et défenseurs des droits humains nigérians ont averti contre le fait de présenter l’opération comme une intervention humanitaire, rappelant que la violence dans le pays vise musulmans et chrétiens sans distinction.

Le site a rapporté les inquiétudes de commentateurs nigérians selon lesquelles la frappe pourrait ouvrir la voie à une escalade plus large et à une présence militaire étrangère permanente dans le pays, ce qui menacerait la souveraineté nationale.

Le Nigeria est confronté à une crise de sécurité complexe, marquée par des violences entre divers groupes armés, y compris des factions islamistes. La situation a été exacerbée par des conflits ethniques et religieux, rendant difficile la distinction entre persécution religieuse et violence généralisée. Les tensions ont attiré l’attention internationale, notamment celle des États-Unis, qui ont intensifié leur engagement militaire dans la région.

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