Burkina Faso : Ibrahim Traoré est toujours en place… résistera-t-il aux tentatives et aux menaces des groupes armés ?

Burkina Faso : Ibrahim Traoré est toujours en place... résistera-t-il aux tentatives et aux menaces des groupes armés ?
Burkina Faso : Ibrahim Traoré est toujours en place... résistera-t-il aux tentatives et aux menaces des groupes armés ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. La succession de coups d’État militaires en Afrique au cours des deux dernières années a suscité des inquiétudes parmi les puissances régionales et internationales quant à la stabilité du continent et à son cheminement vers la démocratie et la construction d’institutions durables. Ces coups d’État ne rencontrent pas la détermination nécessaire, ce qui perpétue leur continuation et la propagation de l’infection à d’autres pays.

Pour rappel, le coup d’État du 30 août au Gabon, le coup d’État du 26 juillet au Niger et les coups d’État précédents au Burkina Faso, en Guinée, au Mali et au Soudan ont sonné l’alarme quant à la « contagion du coup d’État » dans toute l’Afrique subsaharienne.

Dans ce contexte, la junte militaire du Burkina Faso a annoncé le mercredi 27 septembre 2023, que les forces de sécurité et les services de renseignement avaient déjoué une tentative de coup d’État mardi 26 septembre dans le pays.

Le communiqué rendu publique par le Conseil militaire burkinabé était bien clair : « Des officiers (dont les noms n’ont pas été divulgués) et d’autres, prévoyaient de déstabiliser le pays avec des intentions malveillantes en attaquant les institutions de la république et en plongeant le pays dans un état de chaos ».

Le gouvernement a affirmé dans son bulletin vouloir « faire la lumière sur cette conspiration », exprimant « son regret que des officiers qui ont juré de défendre la nation se soient engagés dans un projet de ce genre visant à entraver la marche du peuple burkinabé pour sa souveraineté et sa libération complète des hordes de terroristes qui tentent de l’asservir ».

On croit savoir, d’ailleurs, que certaines personnes ont été arrêtées et que des recherches sont toujours en cours pour retrouver d’autres personnes impliquées dans le complot présumé.

Cette prétendue tentative de coup d’État, intervient près d’un an après la prise du pouvoir par le capitaine Traoré après le coup d’État du 30 septembre 2022.

Par ailleurs, il semble que le lundi 25 septembre 2023, la junte militaire avait suspendu le magazine d’information français « Jeune Afrique » pour avoir publié des informations qu’il jugeait « mensongères », et évoquant les tensions et le mécontentement au sein des forces armées du Burkina Faso.

A noter que le Burkina Faso souffre énormément de la propagation des groupes armés et de la montée de l’extrémisme dans un contexte de détérioration de la situation sécuritaire, exacerbée par le manque de stabilité politique, le pays ayant connu deux coups d’État en seulement huit mois.

Les Burkinabé envahissent les rues

Des milliers de manifestants pro-junte sont donc descendus dans les rues de la capitale, Ouagadougou, pour manifester leur soutien au régime militaire en place, et en particulier le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un coup d’État il y a environ un an, et pour le « défendre » face à la propagation des rumeurs d’un coup d’État sur les réseaux sociaux.

Cette tentative de coup d’État contre le président de transition, est une tentative qui a été rejetée par le peuple burkinabè, surtout lorsqu’il en a pris connaissance, sachant qu’un grand nombre de manifestants dans le pays se sont rassemblés devant le Rond-point des Nations Unies en plein centre d’Ouagadougou.

Ibrahim Traoré est-il capable de se maintenir en place ?

A ce propos, nous sommes venus aujourd’hui fouiller dans les carnets de ce nouveau leader burkinabè :
• quelle est son histoire,
• sur quoi repose son projet politique,
• constitue-t-il une véritable avancée dans la gouvernance en Afrique,
• ou est-il, comme d’autres avant lui, arrivé au pouvoir avec un tank, et ne le quittera qu’avec un tank plus fort, comme c’est l’habitude de transférer le pouvoir en Afrique ?

Mais, tout en son honneur, on constate que ce jeune président africain, âgé de 35 ans seulement, Ibrahim Traoré, a su se faire remarquer sur la scène internationale, même s’il dirige un pays considéré comme l’un des plus pauvres au monde, à savoir le Burkina Faso. Son étoile a brillé particulièrement après son discours qualifié d’« historique » au sommet russo-africain de Saint-Pétersbourg (27 – 28 juillet 2023), un discours qui a fait l’actualité et a attiré l’attention sur lui, compte tenu de sa popularité qui a augmenté après s’être aventuré à expulser la France de son pays.

Quel avenir politique pour Traoré et où conduira-t-il Burkina Faso ?

Le 30 septembre 2022 a été une journée exceptionnelle dans l’histoire du Burkina Faso, lorsqu’Ibrahim Traoré, qui n’occupait que le grade de « Capitaine », a réussi un coup d’État éclair, le huitième dans l’histoire du pays et le deuxième en moins de 9 mois. Malgré la situation difficile et instable, la plupart des médias internationaux ont rapporté que l’optimisme et le soutien régnaient dans la rue burkinabé à l’égard de ce nouveau leader, et les médias français ont décrit le jeune capitaine, depuis les premiers jours de son coup d’État, comme un « homme fort ».

En fait, la capacité d’influence de Traoré semble bien remarquable. Il avait participé au succès du coup d’État perpétré par le colonel « Paul-Henri Sandaogo Damiba » et, quelques mois plus tard, le capitaine est revenu en permission du champ de bataille contre les groupes armés, où il commandait le régiment d’artillerie de Kaya, la capitale de la région centre-nord du Burkina Faso, poste qu’il occupait depuis mars 2022.

Après son retour, Traoré avait demandé une audience avec le président pour l’informer des injustices qu’il a constatées parmi les officiers et soldats au front, et comme le président n’a pas donné suite à la demande d’audience, Ibrahim Traoré, l’officier le moins gradé, l’a renversé au bout de quelques semaines, profitant de la colère des soldats de rangs inférieurs qui combattent sur les fronts sans considération matérielle, ni morale, et surtout sans armes adéquates tandis que les généraux et officiers supérieurs jouissaient du pouvoir auprès de Damiba, en plus de la colère envers les défaites humiliantes de l’armée face aux rebelles ethniques et aux groupes armés.

De l’avis de certains, Ibrahim Traoré possède un charisme évident et sa popularité a donc commencé à augmenter dès le premier jour de son apparition. Mais ce n’est pas seulement le charisme différent qui a fait que le coup d’État d’Ibrahim Traoré apparaisse aux yeux de certains différent des autres coups d’État militaires habituels en Afrique : l’histoire a d’autres aspects profonds qui ne peuvent être réduits à un discours courageux et à une image aux traits nets.

En fin de compte, Traoré a pu, grâce à des facteurs personnels et objectifs, conquérir la rue dès le premier jour de son coup d’État, selon ce qui est apparu dans les informations successives.

Certains des témoignages de ceux qui l’ont connu avant son coup d’Etat tournaient autour de son intelligence et de sa réserve. Il a également fait preuve de courage et de discipline lors des affrontements avec les groupes armés jihadistes et les rebelles ethniques. Il a su gagner l’admiration de ses dirigeants depuis qu’il a rejoint l’armée burkinabè, en plus de maintenir son intégrité, et une relation étroite avec les hommes qui combattaient sous ses ordres.

Qu’a fait de bien Traoré pour son pays jusqu’à ce jour ?

Au-delà des grandes idées et des sentiments populaires basés sur des décisions momentanées ou des traits formels et personnels, on doit tenter de connaître la véritable récolte jusqu’à présent du jeune président, depuis sa nomination à la tête du Burkina Faso ?

• Au niveau de l’administration intérieure du pays

Alors que son prédécesseur, Damiba, avait augmenté son salaire et celui de ses ministres, Traoré a pris des décisions qui ont été très populaires, en choisssant de renoncer à son salaire de président et de ne conserver que celui qu’il recevait comme capitaine dans l’armée. Il a également enterré le leader révolutionnaire « Thomas Sankara » et les autres révolutionnaires de gauche qui ont été assassinés avec lui, dans un lieu digne de son nom et de sa carrière, au cours d’une cérémonie où furent présents des musulmans, des catholiques, et des protestants.

• Sur le plan économique

Avant son arrivée les conditions étaient catastrophiques, puisque 40 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, et le Burkina Faso se classait 184e sur 191 pays dans le rapport sur l’Indice de développement humain 2021-2022 et le déficit budgétaire du pays a augmenté en 2022 pour atteindre 10,6 % du PIB, tandis que la dette intérieure à taux d’intérêt élevé constitue une grande partie de la dette publique du pays, le tout en plus des désastres économiques provoqués par le changement climatique.

En un an, la situation est toute autre, avec plus de bien que de mal.

• Sur le plan financier

Quoi qu’il en soit, les indicateurs et chiffres de la Banque mondiale ne présagent rien de bon pour l’instant, car le déficit des finances publiques devrait rester élevé au cours des prochaines années. Cependant, les rapports de la Banque mondiale indiquent que le Burkina Faso montre encore sa capacité à résister malgré les grandes difficultés auxquelles il est confronté. Mais il y a quelque chose qui peut s’améliorer considérablement et faire avancer les pas du Burkina et augmenter les chiffres de croissance peut-être à 5,1% d’ici 2025, c’est de parvenir à la stabilité sécuritaire dans le pays et à restaurer les terres volées, puis à réduire les importantes dépenses militaires par la suite et à attirer un financement concessionnel, et en fait le test le plus important pour Ibrahim Traoré : c’est la capacité d’affronter les groupes armés, puisque c’était l’une des promesses les plus importantes de son coup d’État.

Malgré sa grande popularité, le jeune président n’a pas encore réussi à prendre des mesures qui puissent changer de manière tangible la vie du citoyen burkinabé, et malgré son radicalisme dans la gestion de la guerre et dans la gestion des affaires étrangères du pays.

Jusqu’à présent, il n’a montré aucun signe clair avec son Premier ministre concernant la prise de mesures audacieuses pour gérer l’économie burkinabè qui entraîneraient une révolution économique dans le pays.

Toutefois, Ibrahim Traoré a une belle opportunité :

• Celle de pouvoir graver son nom parmi les grands révolutionnaires et dirigeants africains qui ont vécu un parcours différent de celui des dictatures classiques de l’Occident,

• Et va-t-il vraiment abandonner le pouvoir pour restaurer la voie démocratique, ou suivra-t-il la voie habituelle des putschistes ?

Mais, répondre à ces questions demande beaucoup de travail, à commencer par élaborer un plan économique cohérent, et s’armer de tout cela et bien plus encore pour affronter la difficile pression occidentale menée par la France, qui n’a pas facilement accepté un retrait nostalgique de régions qui, jusqu’à récemment, se trouvaient contraintes à lui donner sa richesse, volontairement ou involontairement.

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