Africa-Press – Burkina Faso. Ouagadougou accueillera du 20 au 24 octobre prochain la grande commission mixte de coopération entre le Burkina Faso et le Royaume du Maroc. À l’occasion, les deux pays célébreront les 60 ans de leur coopération bilatérale. Ces deux événements consacrant les bonnes relations diplomatiques, stratégiques et économiques se présentent comme une opportunité de mettre sur la table les préjudices causés à la société Continental de transports et de distribution (COTRADIS) par l’entreprise marocaine Fenie Brossette. L’implication des autorités et des acteurs diplomatiques des deux pays pour une résolution diligente du différend sera le gage d’une coopération bilatérale équitable, respectueuse des intérêts et des droits des citoyens.
L’affaire fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis 2023. Pour renforcer sa flotte, COTADIS a conclu, en 2015, une convention d’achat de 20 camions Iveco neufs avec la filiale du constructeur marocain Fenie Brossette en Côte d’Ivoire. Cette acquisition devrait marquer un nouveau tournant pour le développement des affaires chez COTRADIS.
Malheureusement, elle s’est transformée en un cauchemar. En effet, seulement trois mois après la livraison et la mise en exploitation en juillet 2015, les camions commençaient à enregistrer des accidents du fait de malfaçons. Entre septembre et décembre 2015, cinq des 20 camions ont fait de graves accidents avec mort d’homme et des invalidités permanentes. Trois étaient déjà définitivement hors d’usage. D’autres présentaient des risques énormes d’accidents avec des châssis fissurés.
Le 16 janvier 2016, COTRADIS décide d’immobiliser les 17 autres camions et de commanditer une expertise qui a révélé des malfaçons, notamment des modifications de châssis, des transformations frauduleuses de porteurs en tracteurs. Ces modifications ont été faites sans l’autorisation préalable requise de la maison mère d’Iveco, basée en Italie.
Pourtant, COTRADIS croyait avoir acheté des camions neufs, sans avarie et avec tous les accessoires et outillages de bord fournis par le constructeur Iveco, comme stipulé dans la convention d’achat.
Dix longues années de détresse pour COTRADIS
Après des démarches infructueuses de règlement à l’amiable, COTRADIS a porté l’affaire devant le tribunal de commerce d’Abidjan en mars 2016 pour dénoncer la vente et demander réparation des préjudices subis. Le tribunal a confirmé les pratiques dolosives et condamné solidairement Fenie Brossette Côte d’Ivoire et Fenie Brossette Maroc à verser à COTRADIS la somme de 1 725 862 861 FCFA. Celle-ci fit appel. La Cour d’appel du tribunal de commerce confirme la décision. Fenie Brossette se pourvoit en cassation et est encore déboutée. La décision d’appel est désormais exécutoire.
Mais Fenie Brossette met tout en œuvre pour ne pas exécuter cette décision et restaurer COTRADIS dans ses droits. Elle ferme sa filiale ivoirienne et disparaît. COTRADIS est contrainte d’engager une procédure d’exequatur qui consiste à saisir le tribunal de commerce de Casablanca au Maroc où se trouve le siège de Fenie Brossette pour demander l’exécution des décisions du tribunal de commerce d’Abidjan. Au terme d’une première audience, le tribunal du commerce de Casablanca a accédé à la requête de COTRADIS en mai 2021 en ordonnant l’exécution de celui d’Abidjan. Fenie Brossette fit appel, hors délai. Mais son appel a été déclaré recevable et la décision infirmée au motif que la maison mère ne doit pas payer pour une condamnation de sa filiale et qu’accéder à la requête de COTRADIS pourrait créer des troubles à l’ordre public.
Cette décision a fini de convaincre la partie burkinabè que Fenie Brossette bénéficie du soutien des autorités marocaines dans son refus de réparer les préjudices causés par ses agissements frauduleux. Car la responsabilité de la maison mère dans la falsification des camions a été établie. C’est pourquoi elle a été condamnée solidairement avec sa filiale abidjanaise à réparer leurs torts. L’affaire a donc pris une autre tournure.
Aussi, COTRADIS a-t-elle sollicité l’implication des autorités burkinabè dans la recherche d’une solution juste et équitable qui préserve les bonnes relations entre les deux pays. Des propositions et contre-propositions ont été faites par le biais du ministère des Affaires étrangères qui a accepté d’accompagner COTRADIS. En juin 2023, les autorités marocaines sont saisies de l’affaire par voie diplomatique. Cette saisine est assortie de propositions de COTRADIS qui renonce à certaines réclamations à hauteur de 586 millions FCFA représentant les frais d’huissiers, d’avocats, de procédures et d’expertise et de gardiennage des camions. Elle s’est montrée disposée à accorder d’autres facilités pour le règlement.
Fondant désormais ses espoirs sur la forte implication des autorités, des acteurs diplomatiques et économiques burkinabè, COTRADIS espère enfin trouver une solution définitive à ce différend qui l’oppose depuis bientôt dix ans à la société marocaine Fenie Brossette.
La tenue de la commission mixte et la commémoration des 60 ans de coopération est donc une opportunité pour les deux pays d’aider à mettre fin à cette injustice qui n’a que trop duré. Cela pourrait apaiser les esprits, créer les conditions pour une organisation sereine des travaux et des festivités. La résolution de ce contentieux sera un signe manifeste d’une coopération bilatérale équitable et soucieuse des intérêts réciproques des États, des acteurs économiques et des citoyens des deux pays.
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