Oumar L. Ouédraogo
Africa-Press – Burkina Faso. L’année 2023 est partie avec son cortège d’évènements sur la vie publique burkinabè. Au plan politique, si elle s’est achevée comme elle a commencé ; c’est-à-dire sans l’action des partis et formations politiques, il n’en demeure pas moins que le pays a été politiquement tumultueux. Que réserve 2024 au plan politique ? L’inclusion prônée en ce nouvel an sera-t-elle partagée par le pouvoir MPSR II ?
En attendant, on retiendra que 2023 s’est poursuivie, vis-à-vis des partis et formations politiques, comme elle l’a été sous le MPSR ; les activités politiques sont suspendues. C’est l’une des rançons de ce coup d’Etat du 24 janvier 2022. En dépit des circonstances de suspension, du caractère de l’acte jugé abject, et brandi à l’opinion comme le responsable de la situation, les partis et acteurs politiques se sont rangés.
« Il est aussi urgent, de mettre fin à cette politique de marginalisation ou de stigmatisation de la classe politique. Car, il n’est ni honnête, ni profitable pour le pays de stigmatiser les acteurs politiques. Le pouvoir actuel, soit-il militaire, a besoin des acteurs politiques, surtout dans la situation actuelle de guerre. Avoir une classe politique forte est le meilleur rempart pour le pouvoir actuel, qui est sous la pression impérialiste ; ils (dirigeants, ndlr) ont engagé un bras-de-fer avec les puissances impérialistes, sans une classe politique forte comme rempart, ce sera difficile à supporter) », ont souvent plaidé par cadres interposés, des leaders politiques et défenseurs de valeurs de la démocratie.
Mais la chronique va se poursuivre avec l’audition de leaders politiques, notamment Zéphirin Diabré, président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) ; Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ; Abdoulaye Mossé, président du Parti panafricain pour le salut (PPS) ou encore, Ablassé Ouédraogo, président de Le Faso autrement.
Ce dernier qui est resté dans sa dynamique de critiques est présumé, depuis le 24 décembre 2023, « enlevé par les forces du pouvoir », à l’image d’ailleurs de plusieurs autres leaders d’opinion, critiques de la gouvernance en cours. Sa situation intervient après l’actualité des réquisitions litigieuses, tranchées par le tribunal administratif de Ouagadougou.
La fin de 2023 est teintée par cet embarquement à leur siège par la police, de dizaines de militants du parti déchu, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), avec à leur tête, l’ancien ministre Stanislas Ouaro, vice-président du parti. Sitôt libéré, ce dernier rend sa démission du « parti du soleil levant ».
En dépit de l’environnement hostile, le débat public, notamment sur la gouvernance, a été nourri, à travers surtout les médias, par des réflexions d’acteurs politiques et civils (défenseurs de la gouvernance démocratique, spécialistes de divers domaines), à titre personnel ou au titre de leur organisation pour ce qui est des acteurs civils.
Tout compte fait, si les acteurs politiques classiques ont été mis à l’écart et comme pour satisfaire l’adage cartésien selon lequel la nature a horreur du vide, la vie publique a été l’affaire des organisations de la société civile. Meetings ou marches-meetings de soutien à la transition, de demande de nouvelle Constitution ou de révision de la Constitution, etc.
Les partis politiques lancent un appel au chef de l’Etat
2024 sera-t-elle, au plan politique, un bis repetita ? Pour le moment, le message de nouvel an du capitaine du navire, Ibrahim Traoré, et contrairement à son homologue malien, Assimi Goïta, qui annonce un dialogue direct inter-malien, n’augure pas de changement du fusil d’épaule dans ce sens. Pourtant, ils sont de plus en plus convaincus également, ces citoyens, que miser sur des actions qui réconcilient les Burkinabè entre eux sont un impératif pour donner un coup de pouce à l’élan de la lutte contre le terrorisme. Et parmi ces ingrédients, il y a le dégel politique (cela n’exclut pas du tout pas la vision du chef de l’Etat de moralisation de la vie publique).
Qu’à cela ne tienne, les partis politiques ont saisi l’opportunité des messages de nouvel an pour renouveler, sur fond de dénonciation, le plaidoyer.
« Au regard des défis actuels et futurs de notre peuple, le MPP exhorte les autorités de la transition et l’ensemble des Burkinabè à faire en sorte que 2024 soit une année de cohésion sociale, de patriotisme, de résilience, de réconciliation des cœurs, d’unité et de concorde nationale. Pour y arriver, chaque Burkinabè doit s’engager à donner une place de choix à la justice, à l’inclusion, au respect de nos diversités dans tous les domaines et au respect des droits fondamentaux de ses concitoyens. De façon particulière, le MPP invite le gouvernement de la transition à renouer avec la concertation et le dialogue avec la classe politique et l’ensemble des forces-vives de la nation, sans exclusive, pour trouver un consensus national sur les préoccupations de la nation et renforcer la mobilisation sociale pour la lutte contre le terrorisme », invite le MPP dans son message estampillé du 1er janvier 2024.
Il a été devancé de quelques heures par le CDP: « Depuis octobre 2022, les autorités ont décidé de la suspension des activités des partis et formations politiques. Mon parti a observé un strict respect et dans la discipline, cette consigne au cours de l’année qui s’achève. Par contre, elle ne nous a pas permis de consulter nos structures statutaires sur des questions essentielles qui touchent la vie de la nation pour un meilleur accompagnement de la transition. C’est pourquoi, je saisis l’opportunité pour lancer de manière solennelle, un appel au président de la transition, de permettre la reprise des activités politiques, tout au moins de permettre aux partis politiques de pouvoir réunir leurs directions statutaires pour répondre de temps à autres aux sollicitations du gouvernement de la transition et de l’Assemblée législative de transition sur les grandes réformes judiciaires économiques et politiques envisagées ».
L’UPC, elle, « regrette profondément que notre pays se plaît à s’enfoncer dans une logique de division entretenue par des discours de haine, de stigmatisation, de catégorisation des citoyens en ‘’patriotes’’ et en ‘’apatrides’’, et des appels à la violence entre Burkinabè. L’UPC demande instamment aux autorités de la transition, détentrices du pouvoir et garants de l’unité nationale, de mettre un terme à ce climat de suspicion, de tensions et de violences qui caractérise actuellement notre vie publique, et dont l’expression quotidienne est visible sur nos réseaux sociaux ».
Le Parti panafricain pour le salut (PPS) est, lui également, interpellateur à travers son message publié sur la page Facebook de son président du parti, peu avant minuit, le 31 décembre 2023: « Nous sommes conscients que la réussite des missions de la transition dépend aussi de l’action de toutes les composantes de notre société. La victoire contre les terroristes doit être commune. C’est pourquoi, en associant la classe politique à la mise en œuvre des actions et réformes entreprises par le gouvernement, il y a lieu de n’exclure aucun parti. Le PPS est un parti de paix et d’amour qui a été porté sur les fonts baptismaux par des patriotes progressistes venus de plusieurs partis et formations politiques ou d’horizons apolitiques, épris par la volonté de bâtir une Afrique prospère et stable, de paix et de démocratie ».
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