Africa-Press – Burkina Faso. Le président réélu, Roch Marc Christian Kaboré, sera investi le 28 décembre 2020 pour son deuxième et dernier mandat prévu par la Constitution du Burkina Faso. Cette cérémonie n’est pas seulement de l’ordre du protocole et du symbole. Elle est d’une importance capitale, car c’est de ce jour, dès cette heure, dès ce premier discours, que le président, sera ou ne sera pas un homme de courage.
Il lui faudra du courage. Et on espère qu’il a déjà trouvé les sources où il ira puiser cette force vivifiante, cette force qui le hissera sur la cime de la nation, en décidant de rompre avec les siens : les amis, les copains, pour ne plus faire un qu’avec la nation burkinabè, le pays et son peuple, n’avoir pour seul horizon que les intérêts de celui-ci, ne voir que sa misère et chercher à l’alléger.
Cela demande de signifier à son entourage qu’une bataille vient d’être gagnée, certes ensemble et que la nouvelle à faire n’apportera des avantages à personne dans l’équipe qui s’y engagera. Il en perdra des amis et des compagnons, mais, ce n’est pas grand-chose, ceux qui partiront ainsi. Car il retrouvera de vrais lutteurs, des Prométhée qui iront avec lui chercher le soleil auprès des dieux. S’il veut inscrire son nom dans le marbre comme un président ayant réussi son élection et son départ du pouvoir, c’est ce qu’il devra faire avec courage et détermination. Pourquoi ?
Un dernier mandat est celui de la sortie par le haut
Parmi les chefs d’État africains qui assisteront à cette investiture se trouve une kyrielle de présidents au pouvoir depuis longtemps dont il ne faut pas suivre l’exemple. Ces messieurs seraient heureux de voir le président du Faso, arrivé au pouvoir suite à l’insurrection populaire, tombé comme eux dans le pot à miel du pouvoir à vie. De ceux qui ne regardent pas aux vies qui tombent lors des élections sanglantes, mais au pouvoir qu’ils conservent. Ceux-là, ce sont les invités à qui on dit, je ne suis pas des vôtres, je ne ferai pas comme vous. Je m’en tiendrai au texte constitutionnel de mon pays, je ne renierai pas mon serment, je partirai, je prendrai ma liberté et mon destin en main. Je choisis de vivre comme tout citoyen, après avoir servi mes concitoyens, j’opte pour la vie, je partirai pour le bonheur du peuple, je me rendrai citoyen ordinaire et je permettrai que le peuple se choisisse quelqu’un d’autre.
C’est un devoir de résistance et de fidélité aux martyrs de l’insurrection grâce à qui, quoi qu’on dise, l’élection et la réélection du président Roch Kaboré ont été possibles, car sans eux, sans l’insurrection, Dieu seul sait ce que notre pays serait devenu. Rappelons les mots du président Roch Kaboré lors de sa première investiture : « À tous les valeureux fils et filles de notre chère nation, intrépides combattants de la liberté, de la démocratie et de la justice qui, ces dernières années, ont payé de leur vie notamment lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et du coup d’État des 16-17 septembre 2015, la Nation est reconnaissante. Leur sang versé a contribué à forger le destin du Burkina Faso pour le faire sortir de l’impasse dans laquelle certains esprits mal intentionnés voulaient le plonger à jamais. C’est pourquoi, avant tout autre propos, je vous invite à saluer, par l’observation d’une pieuse minute de silence, la mémoire de ces héros, tombés sur le champ d’honneur pour la grandeur et la dignité de la patrie (…) »
Pour ce deuxième mandat, il serait plus que temps que le procès des martyrs de l’insurrection ait lieu, et qu’ils dorment dans la paix d’avoir eu droit à la justice de la République.
Lors d’une investiture, il serait fou, celui qui ne voit que le début d’un mandat, mais n’a pas tracé comment il va se dérouler et prendre fin. Si la fin est visualisée, projetée, conceptualisée, la mise en œuvre ne sera que plus aisée et plus sûre. C’est en cela que la prestation de serment et le discours d’investiture est une parole fondatrice, qui met les pierres d’angle de l’édifice. Si le président Roch veut sortir par le haut, il doit respecter la Constitution. Pour cela, il devra, dès le premier jour de l’investiture, écarter les courtisans qui vont vouloir insuffler insidieusement le venin de l’homme indispensable, des chantiers innombrables qu’il serait le seul à pouvoir faire, pouvoir terminer.
Il a eu des mérites, il a été bien réélu ayant devancé ses adversaires dans toutes les régions sauf chez lui au Plateau central et au Centre est. Il est le préféré des Burkinabè, il leur doit d’être vertueux et de ne pas les fâcher en cherchant autre chose. Faire son temps et partir dans la paix, c’est ce que la population lui demande. Après ce souhait trivial, mis pas si banal que ça parce qu’on revient de loin, avec un président qui après 27 ans en redemandait encore. Il y a le programme de gouvernement, celui qu’il a vendu aux électeurs qui l’ont acheté, sans marchander.
De son programme on ne retiendra que la paix : son option pour l’obtenir, c’est de continuer la guerre aux djihadistes avec ses homologues des autres pays du G5 Sahel et la France. C’est vrai, on est engagés, on continue le combat, mais nous devons faire l’effort de mieux connaître nos ennemis et à partir de ce moment faire le tri du bon grain de l’ivraie, le tri entre nos frères subornés et nos ennemis étrangers. La guerre se gagne aussi par la division des ennemis en retournant certains et en regagnant la confiance perdue.
Attention au syndrome IBK
Le président de tous les Burkinabè, surtout pendant le dernier mandat, oublie d’où il vient. Le passé MPP de Roch Marc Christian Kaboré doit devenir de l’histoire ancienne et il faut qu’il laisse ce parti faire son chemin et poursuivre sa vie avec Simon Compaoré ou Bala Sakandé, peu importe. Le MPP et ses alliés l’ont fait gagner, et ils n’auront pas droit à ses remerciements, parce que c’est le dernier mandat et cela ne sert pas le pays. Il faut oublier tout cela et travailler pour l’histoire avec un grand H, pour le pays et sa population et rien d’autre. Cela va lui attirer de nombreux ennemis qui veulent leur part du gâteau, mais il n’y a pas de gâteau, mais un pays à développer. C’est de ceux-là qu’il faut qu’il se débarrasse, ceux qui dans son gouvernement se sont servis et n’ont pas servi le peuple, ceux qui sont trempés dans la corruption, ceux qui ont tenté de profiter de leur poste, de leur mission, par leur comportement de charognard et de hyènes et qui comme le dit un responsable de l’ANC d’Afrique du sud, ont « Tenté de profiter d’une catastrophe qui coûte la vie, chaque jour, à notre peuple, c’est un comportement de charognards. C’est comme une meute de hyènes encerclant une proie blessée ». Ceux-là, ils ne devront plus être à ses côtés, la justice doit savoir comment s’occuper d’eux.
Mais les travailleurs qui peinent pour le bien du peuple, heureux du devoir accompli et d’avoir été utiles à la nation et au peuple, il devra les appeler. Les politiques ont peur de ses chevaliers, mais quand on a un dernier mandat à faire, ce sont les hommes qu’il faut pour vous aider à rouler le lourd rocher de la misère et de la pauvreté. Les partisans du statu quo, de l’immobilisme, vous diront c’est dangereux ; ils ont raison, nous vivons des moments dangereux, pleins de virus inconnus, de guerres et d’insurrection. Il faut oser la nouveauté et le changement.
Regardez comment IBK a fini son deuxième mandat après une brillante élection gagnée un coup KO. L’échec d’IBK dans un contexte similaire au notre, c’est de n’avoir pas osé le changement, couper les liens avec son parti, son clan, sa famille et les mauvaises pratiques clientélistes et de corruption. Attention au syndrome malien, beaucoup de fléaux nous viennent de notre voisin, parce que nous ne savons pas lire ce qui lui advient et tirer les bonnes leçons de son expérience.
N’écoutez pas votre parti et vos alliés qui ne voudront pas le changement. Vous avez le devoir de changer tout ce qui n’a pas marché et de ne plus faire ce qui est mauvais. La réussite de votre mandat et de votre destin politique est à ce prix. Sana Guy