Africa-Press – Burkina Faso. Dans les faubourgs de Mossoul, en Irak, sur le site de l’ancienne Ninive, des archéologues de l’université de Heidelberg ont fait une rare découverte en fouillant le palais du roi Assurbanipal (668-env. 630 avant notre ère): un bas-relief montrant le souverain entouré des deux principales divinités assyriennes, Assur et Ishtar. Cette pierre, bien que fragmentée, vient rappeler combien les fouilles sont indispensables sur ce site en partie détruit et pillé par les djihadistes de l’État islamique (Daech), et combien les deux collines qui dominaient la capitale du royaume d’Assur recèlent encore de trésors.
Découverte d’un bas-relief représentant le roi assyrien Assurbanipal et la déesse Ishtar sur le site de Ninive, en Irak
Bien qu’elle ait été entièrement détruite au 7e siècle avant notre ère, la ville assyrienne de Ninive n’est jamais tombée dans l’oubli. Et pour cause: elle est mentionnée dans deux textes transmis pendant plusieurs siècles, la Bible et le Coran, qui l’associent au prophète Jonas. Le lieu de culte érigé en son honneur à la fin de l’Antiquité sur les vestiges d’une citadelle assyrienne est même devenu un lieu de pèlerinage pendant la période islamique.
Redécouverts à partir du milieu du 19e siècle par des archéologues français et britanniques, les vestiges de Ninive se trouvent aujourd’hui tout près de l’actuelle ville de Mossoul, dans le nord de l’Irak. Devenue capitale de l’empire assyrien à la fin du 8e siècle avant notre ère sous le règne de Sennachérib (704-681 avant notre ère), il s’agissait de l’une des villes les plus importantes du nord de la Mésopotamie.
Une place forte de 775 hectares
À son apogée, c’est-à-dire juste avant sa destruction par les Mèdes et les Babyloniens en 612 avant notre ère, Ninive occupait une surface de 775 hectares au confluent du Tigre et du Khosr ; il s’agissait d’une place forte entourée d’un rempart long de 12 km, dont les archéologues ont retrouvé de multiples traces. Une quinzaine de portes monumentales, profondes de plusieurs mètres, en gardaient l’accès. La ville s’étendait à l’intérieur de cette citadelle de part et d’autre du Khosr, dont la vallée était dominée par deux collines, Tell Nebi Yunus au sud, et Tell Kuyunjik au nord. D’une surface de 45 hectares, ce monticule bien plus imposant fut choisi par les derniers souverains assyriens pour y édifier leurs palais, mais aussi des temples dédiés aux divinités locales, et de magnifiques jardins.
Des trésors mis au jour aux 19e et 20e siècles
Au cours du 19e et du 20e siècle, les différentes campagnes de fouilles menées par les archéologues britanniques et français ont mis au jour des trésors – bas-reliefs, sculptures et bijoux – issus du palais de Sennachérib, surnommé le palais Sud-Ouest. Ces vestiges sont aujourd’hui en majorité exposés au British Museum de Londres, et au Louvre, à Paris. Sur ces bas-reliefs, le roi est représenté en différentes occasions qui le glorifient: il affronte des lions à la chasse ou reçoit les preuves du triomphe de ses troupes à la guerre. Le Tell a également livré des lamassus, taureaux androcéphales, que l’on peut admirer en Europe, ainsi qu’une mine d’informations inespérée: le plus grand fonds jamais retrouvé de tablettes cunéiformes en argile, issues des ruines de la bibliothèque du roi Assurbanipal.
Les archéologues sont de retour à Ninive dès 2018
À la différence de son grand-père Sennachérib, Assurbanipal a préféré s’installer dans un ancien temple qu’il a fait reconvertir en palais, au nord du Tell Kuyunjik. C’est ce bâtiment, dit Palais Nord, que l’équipe de l’université de Heidelberg fouille depuis plusieurs années. Dans une conférence en ligne, le directeur des fouilles à Ninive, le professeur Stefan Maul, raconte en effet combien le Conseil national irakien des antiquités et du patrimoine a tout mis en œuvre, dès la libération de Mossoul en 2017, pour faire revenir les scientifiques européens en Irak.
Le Tell Nebi Yunus a été détruit et pillé par les djihadistes
À Mossoul, capitale de l’État islamique entre 2014 et 2017, les fanatiques se sont surtout attaqués au Tell Nebi Yunus, devenu lieu de pèlerinage pour les musulmans et sur lequel s’élève une mosquée. Des sondages réalisés au cours des années 1980 avaient révélé que cette dernière reposait sur les vestiges d’un palais assyrien, impossibles à excaver. Dès leur arrivée en 2014, les islamistes ont détruit la « tombe de Jonas » et arasé à la pelleteuse les vestiges visibles du rempart de Ninive, réduisant à néant des lamassus, des bas-reliefs, et le musée de Mossoul. Pour financer leurs exactions, ils n’ont pas hésité à creuser dans la colline une série de tunnels afin d’exhumer des artefacts arrachés à l’ancien palais assyrien, qu’ils ont revendus au marché noir.
Un bas-relief monumental pesant plusieurs tonnes
Dans le cadre du projet Ninive, l’équipe de Heidelberg a d’abord travaillé sur le Tell Nebi Yunus, avant d’entamer des fouilles sur le Tell Kuyunjik, bien plus grand, et sur lequel s’activent d’autres équipes internationales. Les archéologues allemands annoncent à présent dans un communiqué avoir fait une découverte « spectaculaire » dans la salle du trône du Palais Nord d’Assurbanipal: un bas-relief représentant le souverain en compagnie de deux divinités importantes et d’autres personnages. Ce bas-relief est sculpté sur une pierre monumentale qui mesure trois mètres de haut pour cinq mètres et demi de long, et pèse environ douze tonnes.
Aucune figuration de divinités dans les palais royaux assyriens
Si sa taille est très imposante, ce qui fait son unicité, ce sont surtout les personnages représentés, souligne le directeur des fouilles du Palais Nord, l’archéologue Aaron Schmitt: « Parmi les nombreuses représentations en bas-relief retrouvées dans les palais assyriens que nous connaissons, il n’y a aucune représentation des grandes divinités ». Or sur cette pierre, Assurbanipal, le dernier grand roi de l’empire assyrien, est entouré du dieu « national », Assur, et de la déesse protectrice de Ninive, Ishtar. Les experts y distinguent également « un poisson-génie qui apporte le salut et la vie aux dieux et au souverain, ainsi qu’un personnage aux bras levés que l’on peut sans doute reconstituer comme un homme-scorpion », ajoutant que « ces figures laissent supposer qu’à l’origine, un énorme disque solaire ailé était placé au-dessus du bas-relief ».
Le bas-relief se trouvait en face de la salle du trône
Étant donné que la ville a été mise à sac en 612, sous le règne de Sin-shar-ishkan (626-612 avant notre ère), les archéologues présument que la pierre, retrouvée dans une fosse remplie de terre, a été enterrée à l’époque hellénistique, au 3e ou au 2e siècle de notre ère, et que c’est sans doute pour cette raison que les archéologues britanniques qui ont fouillé le Tell ne l’ont pas trouvée. Cette fosse se trouvant derrière une niche murale située en face de l’entrée principale de la salle du trône, « c’est-à-dire à l’endroit le plus important du palais », ils en déduisent qu’il s’agissait de l’emplacement d’origine du bas-relief.
Le bas-relief restera sur place
Une analyse détaillée de cette découverte sera prochainement publiée dans une revue scientifique, précisent les experts allemands. Mais pour le moment, il est prévu, en accord avec le Conseil national irakien des antiquités et du patrimoine, que le relief soit redéposé à son emplacement d’origine afin de le rendre accessible au public.
Alors qu’à une dizaine de kilomètres seulement, sur le site de Dur-Sharrukin (Khorsabad), les archéologues sont en train de révéler l’étendue de la ville et du palais du roi Sargon II, on ne peut que se réjouir de la reprise des fouilles sur les anciens sites assyriens. Car il est plus que temps de redonner toute sa gloire à cette région qui a tant souffert du fanatisme et de la destruction systématique d’un passé millénaire.
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