Africa-Press – Burkina Faso. Son fossile reposait depuis 242 millions d’années dans un bloc de grès rouge du Devon, au sud de l’Angleterre et ce n’est qu’après un passage au synchrotron de Grenoble que ses secrets ont été révélés. Agriodontosaurus helsbypetrae devient le plus vieux lépidosaure connu, un reptile apparenté au tuatara néo-zélandais actuel. Son nom signifie « lézard aux dents féroces », en référence à ses dents.
De larges dents et une langue habile
Grâce à la microtomographie synchrotron réalisée sur la ligne BM18 du synchrotron de Grenoble, les paléontologues ont pu reconstituer en trois dimensions son crâne de 14 millimètres. La ligne BM18 concentre un faisceau de rayons X capable de traverser des blocs massifs et de révéler des détails de l’ordre du micron.
Il était attendu que les premiers lépidosaures présentent certaines caractéristiques propres aux lézards, telles qu’un crâne partiellement articulé, une barre temporale inférieure ouverte et de nombreuses dents sur le palais. Ces traits, caractéristiques des lézards et serpents modernes, leur permettent de manipuler de grosses proies en ouvrant très grand la bouche et d’utiliser les dents du palais pour saisir les petites proies. Mais Agriodontosaurus helsbypetrae ne possède aucune dent sur le palais et, au contraire, arbore de larges dents marginales, coniques à l’avant et triangulaires à l’arrière. Ces dernières fonctionnaient comme de véritables lames capables de trancher des proies coriaces.
« Le fossile que nous avons découvert n’a presque aucune des caractéristiques que nous attendions. Et surtout, il possède des dents spectaculairement grandes par rapport à ses plus proches parents. Nous pensons qu’il s’agissait d’un reptile qui, comme le tuatara, utilisait sa langue pour manipuler ses proies, mais que ses dents marginales jouaient un rôle central pour les fragmenter en l’absence de dents palatines », explique Daniel Marke, auteur principal de l’étude publiée dans la revue Nature. Ce régime insectivore spécialisé suggère qu’il capturait de grands arthropodes qu’il maintenait fermement avec ses crocs avant de les découper en morceaux.
Un reptile à la croisée des lignées
L’analyse phylogénétique replace Agriodontosaurus au sein des rhynchocéphales et confirme qu’il s’agit d’un lépidosaure. « Ce nouvel animal est totalement inédit et nous oblige à repenser l’évolution des lézards, des serpents et du tuatara », souligne Daniel Marke. « Ce spécimen fournit non seulement des informations cruciales sur le crâne ancestral de tous les lépidosaures, mais il confirme aussi que le tuatara appartient en réalité à un ordre jadis très diversifié de reptiles anciens, doté d’une histoire évolutive riche ».
« Nous espérons que le second scanner, effectué au synchrotron Diamond (à Oxford) nous fournira bientôt plus d’informations sur le cerveau et le squelette postcrânien », ajoute le chercheur. Grâce à ce minuscule crâne, les paléontologues fixent un âge minimal de 245 à 241 millions d’années pour l’origine des lépidosaures. Cette découverte illustre la rapidité de la diversification des reptiles après l’extinction de la fin du Permien, une période qui a façonné les écosystèmes terrestres modernes.
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