lendemain d’élection à Bobo-Dioulasso

Burkina Faso : lendemain d'élection à Bobo-Dioulasso
Burkina Faso : lendemain d'élection à Bobo-Dioulasso

Africa-PressBurkina Faso. C’est comme si rien ne s’était passé d’extraordinaire tant la ville de Bobo-Dioulasso a gardé son calme les jours suivants l’élection présidentielle ainsi que le scrutin législatif. Ici, comme dans de nombreux pays africains, pas de sondage à la sortie des urnes et, comme ce fut le cas pour les États-Unis, il a fallu attendre jeudi, dans l’après-midi, dans une relative indifférence, pour voir les résultats proclamés.

C’est que les habitants de la deuxième ville du pays ont le sens de la dérision, même quand le sujet est tragique. Les personnes interrogées sur la manière dont s’était déroulée la journée de vote de dimanche n’ont pas hésité à évoquer, sur le ton de la blague, ce « bon mot » prêté aux groupes terroristes opposés à l’organisation du scrutin : « Ceux qui auront plongé leur doigt dans l’encre bleue pourront dire adieu à leur doigt. » Tension donc du fait de la menace qui a conduit des dizaines de milliers d’inscrits sur les listes électorales, notamment dans les zones nord du pays, les plus exposées au péril djihadiste, à se détourner des isoloirs. De quoi expliquer un taux de participation qui a plongé de 10 points par rapport au scrutin précédent à près de 38-40 % si l’on en croit la Cedeao.

Bobo-Dioulasso est une ville dont les habitants les plus anciens, comme ce consultant français aux cheveux blancs installé ici depuis quarante ans et spécialisé en import-export de sésame et de noix de cajou, n’apprécient guère Ouagadougou. La raison ? Au nom simplement de leur affection pour leur bonne ville de Bobo séduisante par la relative douceur de son climat, l’animation particulière de ses nuits et la tranquillité de sa circulation automobile. Bobo l’indolente, diraient certains en comparaison avec Ouagadougou, la rivale. C’est donc peu dire que, souvent, l’agitation de « Ouaga » n’atteint pas la capitale régionale des Hauts-Bassins où on a le regard autant tourné vers Abidjan et la frontière ivoirienne, distante seulement de 150 kilomètres, que de Ouagadougou, éloignée de 400 kilomètres.

Ce vendredi, au comptoir de la cafétéria de l’aéroport de Bobo-Dioulasso qui ne reçoit pour seul vol international que celui d’Abidjan, mais dont la piste d’atterrissage est pourtant plus longue que celle de Ouaga, on commente avec philosophie ou résignation les résultats de la veille. « Moi, j’ai voté pour Roch, parce que je suis pour la paix », explique la barmaid en décapsulant une bière « bien frappée ». L’argument est discutable, mais quand il est exposé dans la nudité toute simple de ces quelques mots, il apparaît implacable. À l’aéroport, le personnel en charge des formalités de police à l’embarquement, d’expérience pas toujours le plus jovial au monde, est souriant et empathique. Au point de féliciter les étrangers qui ont des visas longue durée et d’autoriser les passagers à ressortir pour une cigarette. Belle ambiance !

Dans le grand hall de l’hôtel l’Auberge qui donne sur son bar, la télé est allumée sur la chaîne de la Radio Télévision burkinabè. Installée en plein centre-ville, cette institution a été ouverte il y a plus de cinq décennies par un couple de Libanais. C’est LE lieu de passage et de rencontre incontournable de la petite notabilité bobolaise. Là, les clients ont écouté le média égrener toute la semaine, sur un ton monocorde, les chiffres partiels de l’élection, province par province, commune par commune, au fur et à mesure qu’ils étaient communiqués, sans que cela ne paraisse émoustiller grand monde. Les résultats finaux n’ont laissé que peu de place au suspense pour la première place.

Par contre, la bataille pour la seconde position, entre Zéphirin Diabré, le dauphin de 2015, et Eddy Komboïgo, l’héritier du Parti du Congrès de Blaise Compaoré, oui. Finalement, elle a échu à l’expert-comptable, Eddy Komboïgo, avec trois points d’avance sur son rival. Et depuis Bobo, on a très tôt considéré, sans vraiment en faire cas, que les recours des candidats déçus après la proclamation des premiers résultats, puis la décision de la Ceni de suspendre quelques heures durant ses travaux, étaient vains.

Tout compte fait, difficile de trouver quelqu’un dans la ville pour s’enflammer vraiment pour la chose politique, comme si le Burkina avait suffisamment d’ennuis comme ça pour ne pas s’en créer de nouveaux, par des polémiques stériles ou des joutes oratoires. Comme si depuis le début, les dés de cette élection avaient été jetés, sans que personne ne tente de retenir la main.

À la tombée du jour, les maquis « bobolais » se sont remplis comme à l’accoutumée. Simon Sanon, président de la corporation des guides de Bobo-Dioulasso, oscille entre amertume du fait de la raréfaction de la clientèle touristique, et légère ivresse créée par le moment apéritif. Christian Roch Kaboré ? Il n’en pense pas grand-chose. « Moi aussi, je suis un président, mais sans moyens. » Et d’évoquer Ebola, le terrorisme et le Covid, le triptyque infernal qui a fait fuir les visiteurs de cette ville qui a pourtant tant à offrir. Notamment, le « porkofou », ce cochon cuit entier dans un four en terre pour lequel des clients font vingt kilomètres afin de satisfaire leurs papilles gustatives. Au moment de rentrer à Ouaga, sur les bandeaux défilants de la télévision en salle d’embarquement, il était écrit : « Roch : le mandat de tous les défis »…

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